Tout autant un chant patriotique qu'une chanson romantique…
La Fontaine de Jouvence de St. Augustine, Floride, États-Unis.
La chanson “À la claire fontaine,” peut sembler bien inoffensive, mais elle fut pourtant un chant de résistance, adoptée par les patriotes canadiens au XIXe siècle lors de leur révolte contre les colons anglais. Les paroles étaient identiques, mais avaient un autre sens dans leur bouche : la claire fontaine représentait par exemple le fleuve Saint-Laurent et la rose les Anglais.
À la claire fontaine, c'est une comptine qui date du 15e siècle environ. Il aurait été chanté dès 1604 par les hommes de Samuel Champlain, lorsque la première colonie française permanente a été établie au Canada. Citant l'encyclopédie canadienne, J.-B. Christophe Ballard en recueillit la plus ancienne version dans son livre Brunettes et petits airs tendres (Paris 1704). Selon Marius Barbeau, dans Alouette (Montréal 1946), la chanson aurait été composée par un jongleur du XVe ou du XVIe siècle. James Huston, dans son Répertoire national (Montréal 1848), dit que « l'air et les paroles paraissent avoir été composés par un des premiers voyageurs canadiens ».
Au Québec, il existe des dizaines de versions de la pièce. Selon le folkloriste Renald Gignac, il existe près de 500 versions répertoriées de cette chanson dans le monde, dont les titres connus « À la claire fontaine » et « En revenant des noces ». Ainsi, les versions popularisées en France, en Belgique et en Suisse diffèrent de celles de la Nouvelle-France. .
Partition pour “À la claire fontaine”.
Paroles
À la claire fontaine
m’en allant promener
j’ai trouvé l’eau si belle
que je m’y suis baigné.
(Refrain)
Il y a longtemps que je t’aime
jamais je ne t’oublierai
Sous les feuilles d’un chêne,
Je me suis fait sécher.
Sur la plus haute branche,
Un rossignol chantait.
(Refrain)
Il y a longtemps que je t’aime
jamais je ne t’oublierai
Chante, rossignol, chante,
Toi qui as le cœur gai.
Tu as le cœur à rire…
Moi je l’ai à pleurer.
(Refrain)
Il y a longtemps que je t’aime
jamais je ne t’oublierai
J'ai perdu mon amie
Sans l'avoir mérité.
Pour un bouquet de roses
Que je lui refusai…
(Refrain)
Il y a longtemps que je t’aime
jamais je ne t’oublierai
Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier,
*Et que ma douce amie
Fût encore à m'aimer.*
(Refrain)
Il y a longtemps que je t’aime
jamais je ne t’oublierai
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Comme pour de nombreuses chansons traditionnelles, les paroles portent de nombreuses significations différentes. Malgré son association moderne avec les chansons pour enfants, « À la claire fontaine » n’a pas toujours été une comptine. La chanson parle peut-être d'une jeune femme se baignant dans une fontaine claire qui entend chanter un rossignol et pense à son amant, qu'elle a perdu il y a longtemps après avoir omis de lui offrir un bouton de rose. Le cœur du rossignol rit, mais le sien pleure.
La chanson cache un symbolisme politique de résistance à l’invasion britannique du Québec.
Depuis 1763, année où la France cède la Nouvelle-France à l'Angleterre, la rose symbolise les Anglais et le rosier (rosier) en Angleterre. Ainsi, la rose représentait les Britanniques, la fontaine claire représentait le fleuve Saint-Laurent et le refrain « Je t'aime depuis longtemps, je ne t'oublierai jamais » était destiné à la France et au territoire français du Québec. Se baigner dans le fleuve Saint-Laurent signifiait s'établir en Nouvelle-France. Au XIXe siècle, cette chanson était connue pour avoir été chantée par les patriotes canadiens lors des troubles de 1837-1838 au Bas-Canada.
Adoptée comme chanson nationale par l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1878, « À la claire fontaine » pourrait être l’hymne du Québec.
Qu'il s'agisse d'une jeune femme qui se languit d'un amour perdu, assise près d'une fontaine claire, ou d'un Canadien français en deuil de la perte de son lien avec sa patrie après l'invasion britannique du Québec en 1759, assis à côté de la « fontaine claire » qui est le fleuve Saint-Laurent; quelle que soit l’interprétation, c’est une chanson de deuil, de larmes et de nostalgie, qui résiste à l’épreuve du temps.
Sources
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